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Entretien : Lianne La Havas en toute intimité

interview

Un an après la sortie d’un troisième album qui la mettait à nu, la Londonienne poursuit cette quête d’intimité en se produisant seule sur scène, sans perdre toutefois l’intense vibration « soulful » de ses chansons.
Votre dernier album est sorti il y a exactement un an, ce n’était pas douloureux de devoir attendre si longtemps pour retrouver la scène ?
Je ne sais pas si « douloureux » est le terme exact, mais ce fut en effet très long et en même temps cela a permis d’anticiper ce moment avec beaucoup d’excitation et d’envie. Je ne sais pas ce qui va se produire quand je vais me retrouver à nouveau devant des gens, mais je sais que ce sera comme une libération.

Quel genre de concert allez-vous proposer pour ce retour ?
Je n’ai pas pour le moment la possibilité de voyager avec mon groupe, ce qui est un peu frustrant car les musiciens avec lesquels je joue font aujourd’hui partie intégrante de mon projet. Pour cette première série de concerts je suis donc seule sur scène, avec une guitare, comme cela m’est déjà arrivé à quelques reprises par le passé, avec l’idée de tout axer sur l’intimité et la relation directe avec le public. Je vais d’ailleurs jouer essentiellement des chansons du dernier album, dont le sujet se prête à cette forme d’intimité.

 
Ce troisième album est en effet très personnel, il est né après une rupture, et vous l’avez produit en grande partie vous-même. Cela a changé votre rapport à la musique ?
J’ai toujours eu pour intention de réaliser mes disques, mais jusqu’ici je n’avais pas la connaissance suffisante pour ça. J’écris mes chansons et je sais dès le départ comment j’ai envie qu’elles sonnent une fois enregistrées. Ce qui me faisait défaut jusqu’à présent, c’était le cheminement qui permettait de parvenir à ce résultat, et avec cet album j’ai vraiment eu le sentiment que j’étais parvenue à maitriser ce processus. Les chansons ressemblent à ce que je suis.

C’est la raison pour laquelle cet album n’a pas de titre et porte juste votre nom ?
Oui, c’est en partie pour cette raison, mais c’est surtout parce que ce disque est très personnel dans le sens où il est le fruit de cinq années de ma vie qui ont été assez agitées, avec beaucoup de hauts et de bas, une forte intensité émotionnelle. Je n’aurais pas pu l’intituler autrement.

L’album est divisé en trois cycles de chansons, comment s’est imposée cette structure narrative ?
Ce sont des chansons qui ont été écrite au cours de ces cinq années où j’ai vécu une histoire d’amour qui s’est mal terminée. je souhaitais retranscrire tout le cycle, sans donner l’impression que je m’attardais seulement sur son échec. J’ai 30 ans mais ces cinq années m’ont plus changée que les vingt-cinq précédentes. Il m’est arrivé de me perdre durant cette période, et d’une certaine façon ces chansons documente la manière dont je suis parvenue à me retrouver. Ce fut une période où j’ai appris énormément sur moi, et où j’ai appris en parallèle de nouvelles façons de faire des chansons.

Vous avez commencé à écrire des chansons et à enregistrer des disques très jeune, à 19 ans, quel regard portez-vous sur votre évolution en tant qu’artiste ?
Une chose n’a jamais changé, c’est l’envie de me faire plaisir lorsque j’écris et lorsque je joue mes chansons sur scène. J’ai forcément plus de maturité aujourd’hui, mon style a évolué, je ne chante pas les mêmes choses ni de la même façon, mais dans le fond ma démarche est la même depuis toujours. Le précédent album, Blood, était centré autour de mes origines, à la fois grecques par mon père et jamaïcaines par ma mère, celui-là tourne plus autour de moi et de mes sentiments. J’apprends à mieux me connaitre à travers mes chansons.

Sur le nouvel album, on trouve une reprise de Radiohead, « Weird fishes », que vous faisiez déjà sur scène. Cette chanson a influencé votre façon de composer et d’écrire ?
Oui, j’ai beaucoup aimé les arrangements et le son de ce titre quand nous l’avons joué sur scène, j’avais l’impression que c’était la direction idéale dans laquelle je voulais aller. C’est ce morceau qui a aussi apporté une forme de cohésion avec mon groupe que j’ai pu transposer en studio sur mes propres compositions. Ça a servi de détonateur.
 
Vous avez été remarquée et saluée par des gens comme Prince ou Stevie Wonder dès vos premiers disques. Est-ce que cela vous a apporté une confiance en vous dont vous profitez particulièrement aujourd’hui ?
Bien sûr, j’ai pu observer en allant à Paisley Park la manière dont Prince travaillait, même si tout était assez cloisonné et qu’il fallait un peu écouter aux portes. J’ai en tout cas retenu de nos rapports l’intensité et la passion qu’il mettait dans sa musique et dans l’art en général, cela reste un modèle à suivre pour moi.

C’est votre premier album depuis la disparition de Prince, est-ce que certaines chansons sont liées à cette perte ?
J’ai écrit plusieurs chansons à ce sujet, mais elles ne figurent pas sur l’album car elles ne correspondaient pas à ce que voulais raconter. Elles sortiront sans doute un jour sous une autre forme.

Propos recueillis par Christophe Conte
 

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